À la rentrée 2021, 163 places n’ont pas été pourvues en deuxième année d’études de pharmacie. Signe d’un manque d’attractivité ? Plutôt d’un manque de visibilité de la filière qui souffre encore d’une image de « vendeur de médicaments ».

Depuis quelques mois, les doyens bougonnent : les étudiants boudent l’entrée en études de pharmacie. Les chiffres confirment d’ailleurs cette tendance. Cette année, 163 places sont restées vacantes, contre 67 en maïeutique, 29 en médecine et 9 en odontologie. Surprenant lorsque l’on sait que les études de santé restent extrêmement sélectives et exigeantes, y compris depuis la suppression de la PACES et l’arrivée des PASS et L.AS en 2020.

Une méconnaissance de la pharmacie plutôt qu’un désintérêt profond

« Quand vous demandez à un lycéen ce que fait le pharmacien, il vous répond que c’est la personne qui donne les médicaments à ses parents quand il est malade, or, c’est justement leur environnement qui détermine leur orientation », se désole Gaël Grimandi, président de la conférence des doyens de pharmacie et doyen de l’UFR pharmacie à l’université de Nantes.

Ce n’est pas nouveau, le métier de pharmacien reste flou même pour ceux qui se destinent aux études de santé. « Il y aura toujours des étudiants qui auront tendance à aller vers la médecine parce que c’est assez ancré mais il y a aussi ceux qui iront vers le métier de pharmacien maintenant qu’ils sont mieux informés. En effet, on peut faire de très belles carrières en pharmacie mais encore faut-il le savoir« , commente Jérôme Parésys-Barbier, président du conseil central représentant les pharmaciens adjoints d’officine et autres exercices de l’ordre national des pharmaciens.

À l’ANEPF (association nationale des étudiants en pharmacie de France), ce constat est partagé. Juliette Marat, vice-présidente en charge de l’enseignement supérieur l’avoue elle-même, l’étudiante se destinait davantage aux études de médecine avant de découvrir que la pharmacie pouvait lui offrir d’autres opportunités. « Le métier nous est assez mal présenté, on pense connaitre l’officine mais on ne sait pas exactement ce que fait le pharmacien, il y a une sorte d’imaginaire. D’ailleurs, pendant nos études, il y a encore une part de découverte », admet-elle.

Une augmentation du nombre d’étudiants en pharmacie

Mais ce manque d’informations n’est pas la seule cause d’une baisse d’attractivité de la filière. Le système qui permet d’accéder aux études de santé, la sélection, le numerus clausus, le classement des candidats a aussi été décisif. « La réforme de la PACES (en 2010) a été très destructrice car il y avait un concours commun où les étudiants cochaient en fonction du parcours qu’ils jugeaient le meilleur et non en fonction de leur orientation », explique le président de la conférence des doyens de pharmacie.

Depuis 2020, une nouvelle réforme a fait son apparition, remplaçant la PACES par deux voies d’accès, les PASS et les L.AS. Les modalités de sélection devraient peut-être réduire ce manque d’attractivité, qui reste en réalité assez relatif. Car à y regarder de plus près, à la rentrée 2021, 3.566 places étaient ouvertes en deuxième année d’études de pharmacie contre 3.265 places en 2020. Soit une augmentation de 9,2% du nombre d’étudiants en un an, et ce, malgré les quelque 163 places non pourvues.

À l’université de Tours, les capacités d’accueil pour la deuxième année d’études de pharmacie ont même augmenté de 12% pour la rentrée 2021 et toutes les places ont été attribuées. « On est sur la bonne voie, cela prend du temps mais on commence à voir les effets de la réforme des études de santé« , plaide Jérôme Parésys-Barbier.

Un regain d’intérêt pour l’officine après la crise sanitaire

Et même si l’on pourrait encore penser que les études de pharmacie sont choisies par défaut, la filière compte assez peu de réorientations. « On a pu avoir entre 35 à 40% d’étudiants qui choisissait pharmacie par défaut après la PACES mais finalement, ils sont très contents, ils découvrent le champ des possibles pendant leurs études », assure Véronique Maupoil, doyenne de la faculté de pharmacie à l’université de Tours. Notamment à partir de la troisième année où les stages deviennent plus fréquents.

Tous s’accordent d’ailleurs à dire que la crise sanitaire a aussi eu un impact positif sur ce regain d’attractivité. « Les pharmaciens ont été identifiés comme des héros du quotidien avec de nouvelles missions », explique le représentant de l’ordre national des pharmaciens. « On se rend compte de la diversité du métier et du rôle d’accompagnement du patient. Cela est davantage visible dans les officines où les pharmaciens réalisent des dépistages, de la vaccination, ce qui était aussi le cas en dehors de la crise sanitaire. C’est quelque chose qui pourrait plaire aux lycéens », précise Juliette Marat.

Longtemps boudée par la jeune génération, l’officine redevient plus attractive. Selon l’ordre national des pharmaciens, de nombreux pharmaciens passent de l’industrie à l’officine (+21% en 2021). « On avait tendance à penser que la pharmacie n’était qu’un commerce, or, la crise sanitaire a démontré qu’elle était vitale, un lieu de santé et de proximité. Les pharmaciens ont eu envie de participer à l’effort collectif », poursuit Jérôme Parésys-Barbier. Parmi les étudiants aussi, l’officine attire de plus en plus (44% des étudiants contre 40% en industrie).

Voir plus loin que le cliché du simple « vendeur de médicaments »

Pour autant, il reste encore beaucoup de travail pour permettre au secteur de sortir des clichés. Développer les liens avec les enseignants du secondaire mais aussi former les psychologues de l’Éducation nationale, multiplier les rencontres lors des forums, des salons, les portes ouvertes… apparait indispensable.

Autre levier : les doubles diplômes ou les passerelles entre les formations. Plus spécifiquement entre les écoles d’ingénieurs et la filière de l’industrie pharmaceutique.
« À la suite de la réforme, on peut penser que c’est assez positif de venir d’un autre parcours, cela donne plus de maturité », estime Jérôme Parésys-Barbier. « Il faut vaincre les habitudes et se demander quelles compétences minimum sont nécessaires pour faire venir des étudiants qui ne viennent pas directement de la santé, j’y crois beaucoup », confirme Gaël Grimandi.

Tous parlent d’un dynamisme de la filière, les pharmaciens ont donc encore de beaux jours devant eux…

Sources:
L’Etudiant

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